PPCR : L’inspection veut évaluer sans contraintes

“La mission a constaté un certain nombre d’imperfections et de lacunes, sources de démotivation, en particulier dans l’accompagnement de la carrière des enseignants”. Prenant appui sur les insuffisances de l’évaluation PPCR, qui tiennent souvent à celles des inspecteurs, l’Inspection Générale recommande de se passer des items d’évaluation pour pouvoir faire les promotions sans contraintes. C’est une nouvelle étape de la déréglementation qui est annoncée après l’éjection des syndicats des commissions paritaires. L’Inspection Générale souhaite aussi que les directeurs d’école évaluent les enseignants. Enfin, elle recommande un autre calendrier pour les rendez-vous de carrière.

Ne plus justifier les décisions d’avancement

Signés par N. Vallaud-Belkacem en 2017, mis en place à la rentrée 2017 avec l’appui de la FSU, de l’UNSA et de la CFDT, et malgré l’opposition farouche de FO, de la CGT et de SUD, les accords Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) ont pour la première fois encadré les modalités d’évaluation des enseignants. Les accords étaient censés améliorer le déroulé de carrière des enseignants. Promesse non tenue ! Ils fixaient des évaluations régulières pour tous les professeurs, obligeant les inspecteurs à trois visites à date fixe. Enfin, ils établissaient une grille d’évaluation connue de tous pour baser les décisions d’avancement. Le rapport des inspecteurs généraux Fabienne Keroulas et Pascal Misery veut revenir sur tous ces points.

La recommandation la plus importante demande de ne plus lier l’appréciation générale, celle qui entraîne l’avancement, aux items de la grille d’évaluation. Le rapport veut « supprimer l’avis final porté par l’autorité compétente qui prendrait acte de l’évaluation portée sur l’enseignant par le ou les évaluateurs ».

« La mission préconise de donner tout son sens à l’évaluation, en prenant appui exclusivement sur les appréciations des évaluateurs (ou de l’évaluateur dans le 1er degré public) », écrivent les rapporteurs. « L’autorité académique pourrait prendre acte de l’évaluation portée sur l’enseignant par le ou les évaluateurs. Ceci déclencherait, après notification définitive à l’agent, les délais de recours réglementaires. Cela mettrait fin aux nombreux recours portant exclusivement sur la discordance entre les avis du ou des évaluateurs primaires et l’avis final rendu actuellement ».

En finir avec un système PCCR soit-disant équitable

Pourtant, les inspecteurs reconnaissent que « le nouveau dispositif (PPCR) introduit une plus grande équité de traitement entre les enseignants, qu’ils soient dans le premier degré, le second degré ou l’enseignement supérieur, et entre les territoires ». La mise en place du PPCR fait en sorte que tous les enseignants soient inspectés au même rythme, ce qui était loin d’être le cas, créant davantage d’équité. Le fait que l’évaluation soit encadrée par une grille rendue publique (et unique) « modifie le rôle de chacun », souligne le rapport. Cela encourage les enseignants « à l’analyse réflexive de leurs pratiques », ce qui est la conception moderne de l’exercice du métier(?!?).

Les insuffisances des inspecteurs pour justifier la recommandation

Pour justifier de mettre fin au PPCR, l’Inspection souligne les difficultés des inspecteurs “qui perdent une certaine liberté organisationnelle”. « Les modalités de mise en œuvre des RDVC (rendez-vous de carrière) varient selon les évaluateurs, certains d’entre eux perpétuent les pratiques antérieures des inspections traditionnelles et d’autres se limitent à des échanges sur le développement professionnel et les perspectives d’évolution », notent les inspecteurs. La réflexion des enseignants sur leur évaluation “nécessite un accompagnement” qu’en général les inspecteurs ne font pas.

La grille d’évaluation est elle aussi critiquée. « L’avis final rendu par l’autorité compétente n’est pas compris lorsqu’il n’est pas en cohérence avec les avis primaires – d’autant que les qualificatifs sont les mêmes ». Ainsi ils montrent que 64% des items de la grille sont qualifiés d’excellents comme le révèle une étude sur l’évaluation des agrégés de 2017–2018 à 2021–2022. 65% de ces mêmes enseignants ont obtenu une majorité d’items “excellent” et 50% en ont au moins 8 sur 11. Or il n’y a que 30% de promotions possibles.

Autrement dit, parce que les inspecteurs n’arrivent pas à maîtriser la grille d’évaluation ou parce que c’est trop leur demander de respecter les rendez-vous de carrière, l’Inspection Générale propose de supprimer les critères objectifs qui fondent l’avancement et les recours éventuels.

400 millions d’euros en jeu

Ces recommandations n’arrivent pas par hasard. La loi de transformation de la fonction publique a chassé, en 2018, les syndicats des commissions paritaires qui décident les évaluations. En septembre 2022 la Cour des Comptes a demandé la suppression des accords PPCR et l’évaluation des enseignants par leur supérieur direct. G. Attal a fait part de son souhait de revoir les carrières des enseignants. Après avoir supprimé tout contrôle au moment des décisions, l’Inspection envisage, en détachant l’avancement des grilles d’évaluation, de supprimer les éléments de recours. La hiérarchie aura ainsi les coudées franches pour décider qui doit avancer ou pas sans avoir à en justifier précisément.

Ce renforcement de la pression hiérarchique se lit aussi dans une autre recommandation. L’Inspection veut “impliquer le directeur d’école publique dans l’évaluation des enseignants au travers d’un entretien formalisé avec l’IEN, à l’issue de l’observation en classe, et portant sur les items 6 à 11 de la grille d’évaluation des professeurs des écoles“. A la différence des chefs d’établissement secondaire, les directeurs d’école ne forment pas un corps à part. Ce sont des professeurs des écoles comme les autres et ils sont éjectables de leur mission de direction à tout moment. L’inspection entend ainsi accentuer la pression hiérarchique sur les enseignants des écoles.

Il n’y a pas que cet intérêt idéologique dans les recommandations de l’Inspection. Il faut aussi mesurer ce que pèse l’avancement des enseignants. Dans le budget 2024, 326 millions sont crédités au titre du “glissement vieillesse technicité” des enseignants et 386 millions pour tous les agents de l’enseignement scolaire. En rendant l’avancement encore plus illisible, on peut prétendre à une réduction de la masse salariale, demandée avec insistance à droite depuis longtemps et pratiquée par le gouvernement sous forme de suppressions de postes.

Les rapporteurs demandent de “mieux répartir” les trois rendez-vous. Le premier serait avancé après la 5ème année d’exercice en comptant l’année de stage et non dans la 2ème année du 6ème échelon. Le second aurait lieu 9 ans plus tard lors du 8ème échelon un peu avant l’accès possible à la hors classe. Le troisième aurait lieu 9 ans plus tard pour les certifiés, 7 ans plus tard pour les agrégés, qui seraient ainsi favorisés, soit l’année précédant l’accès à la classe exceptionnelle. Ainsi l’inspection encadrerait mieux les évolutions de carrière sans avoir de compte à rendre sur ses décisions.

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