L’« exigence des savoirs »
C’est rétablir les 2 500 postes supprimés et toutes les heures d’enseignements disciplinaires
Le 5 octobre 2023, à l’occasion de la journée mondiale des enseignants, Gabriel Attal annonçait le lancement d’une mission « exigence des savoirs » dont les conclusions seraient rendues « d’ici à huit semaines » pour une « mise en œuvre à la rentrée 2024 ». Puis il précisait que « la priorité sera donnée au Français et aux Maths ».
Il s’agit, comme l’a promis le ministre le 28 août, de provoquer un « choc des savoirs » consistant à « mettre le paquet sur les savoirs fondamentaux » afin d’« élever le niveau de notre école ». Selon le ministère, cette mission « repose sur une série de travaux, en grande partie des auditions, pour lesquels différents acteurs sont entendus : enseignants, organisations syndicales, fédérations de parents, associations disciplinaires, sociétés savantes etc. ».
Trois groupes de travail réunissant deux professeurs, un recteur, un inspecteur d’académie et un inspecteur général de l’Éducation Nationale, doivent se pencher sur les programmes, les pratiques pédagogiques, l’organisation pédagogique, la culture générale et les disciplines complémentaires des savoirs fondamentaux à l’école, au collège et au lycée. Les auditions et consultations échelonnées entre le 16 et le 20 novembre sont censées aboutir à « des propositions afin d’accroître le niveau des élèves de la maternelle au lycée ».
Sans attendre ces propositions, le ministre s’est saisi des résultats des évaluations nationales de septembre en CP, CE1, CM1, sixième et quatrième, pour révéler dans une interview donnée au Parisien du 14 novembre, les premières mesures qu’il envisage de prendre. Ainsi, après s’être félicité de la progression des élèves de 6ème qu’il attribue aux dédoublements mis en place par son prédécesseur en CP, CE1 et grande section de maternelle en éducation prioritaires, il s’inquiète de la stagnation des 4ème et explique : « La réponse, ça peut être des groupes de niveau en français et en maths. La taille du groupe étant réduite pour les élèves les plus en difficulté. D’autres mesures sont envisageables, notamment des parcours renforcés avec plus d’heures en maths et en français pour les élèves les plus fragiles. Quitte à réduire pour eux dans un premier temps le volume horaire d’autres disciplines ».
L’« exigence des savoirs », selon Gabriel Attal, cela consisterait donc à disloquer le groupe classe en « groupes de niveau » et réduire encore des horaires disciplinaires ?
Quelle originalité ! Ce n’est pas comme si, durant les dernières décennies, les ministres successifs n’avaient pas retiré des heures aux disciplines, avec les résultats que l’on sait et dont eux-mêmes prétendent s’émouvoir aujourd’hui : selon une étude comparative du collectif « Sauver les Lettres », en 2022, les élèves avaient perdu « primaire et collège additionnés (360 h + 162 h), 522 heures de français par rapport aux horaires de 1968, soit deux années de formation en français. ».
Aujourd’hui, tout en prétendant vouloir « élever le niveau », le ministre ne propose rien de mieux que de poursuivre dans cette voie. Lui qui s’inquiétait, à la veille de la rentrée, du fait que le non remplacement des enseignants absents représente « 15 millions d’heures perdues chaque années », n’a pas trouvé plus approprié que de supprimer 2 500 postes à la rentrée 2024, ce qui équivaut à près de 2 millions d’heures de cours (soit près d’1,6 millions d’heures dans le public et près de 400 000 heures dans le privé).
C’est donc clair, le « choc des savoirs » de Gabriel Attal s’inscrit une fois de plus, au nom des élèves en difficultés, dans la longue série des contre-réformes et mesures visant à réduire toujours plus les enseignements disciplinaires et à détourner l’école publique de sa mission d’instruction.
Cela va de pair avec le pacte enseignant qui permet d’organiser des remplacements sans tenir compte des disciplines concernées, avec la réforme Blanquer du lycée et du baccalauréat qui a introduit des « spécialités » en lieu et place des disciplines et remis en cause le caractère national du diplôme, ainsi qu’avec toutes les mesures de déréglementation et de territorialisation cassant le cadre national de l’école et les statuts des personnels. Ça suffit !
L’« exigence des savoirs » façon Attal ne répond en rien aux revendications des personnels qui n’en peuvent plus d’être écrasés de tâches les détournant sans cesse de leur missions (pacte, lutte contre le harcèlement…), et qui refusent d’être les faire-valoir de la communication ministérielle. Elle ne répond pas plus aux besoins réels des élèves et de leurs familles qui aspirent à bénéficier de leur droit égal d’accès à l’instruction.
Le SNFOLC appelle à amplifier la campagne de réunions dans les établissements en vue de préparer une conférence nationale début 2024 en défense des disciplines et des diplômes nationaux
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