Vade-mecum sur la mise en place des groupes de besoin

Il n’y a pas de « bonne » application de la réforme qui vaille !
Le choc des savoir doit être abrogé !

La direction générale de l’enseignement scolaire, en lien avec l’inspection générale et des professionnels de terrain – mais on se demande bien lesquels -, a sorti le manuel d’accompagnement pour la mise en place des groupes de niveaux en mai 2024. Cette organisation implique un changement en profondeur du métier d’enseignant de Mathématiques et de Lettres. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une véritable machine à dégrader les conditions de travail de tous les personnels.
Petits extraits de ce vade-mecum…

Des emplois du temps catastrophiques

« …pour limiter les difficultés, éviter autant que possible de placer sur le même alignement plusieurs collègues avec de fortes contraintes d’emplois du temps (stagiaires, BMP en service partagé…) » ;

« …anticiper autant que possible les besoins en bassin ou en réseau d’établissements » p.13

Les contraintes d’emploi du temps vont être énormes avec les heures de mathématiques et de français qui doivent être alignées. Et il va falloir penser aux postes partagés en espérant qu’il n’y ait pas de création ou de suppression de classe au dernier moment, il va falloir penser aux collègues ayant une RQTH et bénéficiant d’aménagements d’emploi du temps…. Les emplois du temps risquent d’être très lourds, tant pour les enseignants que pour les élèves. Mais comme le disent certains DASEN : « Les établissements sont ouverts de 8 h à 17 h ».

« Les conseils de classe constituent un lieu d’échanges privilégié pour faire un point sur la situation de chaque élève. Le travail du conseil peut notamment s’appuyer, selon le choix du chef d’établissement et de l’équipe pédagogique, sur :

  • des conseils de réussite ;
  • des entretiens-conseils ;
  • des entretiens d’orientation ;
  • des conseils de professeurs ;
  • des conseils ciblés auprès de certains élèves. » p.17

Cela signifie qu’il faudra désormais assurer un nombre incalculable de réunions – et pas seulement avec les professeurs de Mathématiques et de Lettres.

En mathématiques : la même trace écrite pour tous les groupes, à la virgule près ?

« […] L’équipe des enseignants peut mener un travail sur une trace écrite commune à tous les élèves, quel que soit le groupe dans lequel il est placé. Ainsi le cahier de cours peut devenir un outil commun à l’ensemble des élèves et assure la cohérence et la flexibilité entre les groupes. » p.21
On demande donc aux enseignants alignés en barrette de produire le même cours, en même temps, à la virgule près.

En français : construire collectivement une progression commune à tous les groupes…

« Pour permettre aux élèves d’atteindre les objectifs de l’année en français, il est plus que jamais essentiel que les professeurs élaborent ensemble une progression concertée. L’enjeu de ce travail d’équipe est de garantir à tout élève, quel que soit son parcours au fil des mois, une offre d’apprentissage pleinement cohérente avec l’ensemble des enjeux de l’année. » p.22

Les ministres Attal et Belloubet savent-ils seulement qu’un même professeur ayant en charge deux classes d’un même niveau (deux 4e, par exemple) ne produit pas exactement le même cours car il s’adapte constamment au groupe d’élèves qu’il a en face de lui ? Alors comment imaginer que 3, 4, 5 … parfois plus selon le nombre de classes alignées, puissent ainsi produire le même cours en même temps devant des groupes différents ?

Par ailleurs, que restera-t-il de la liberté pédagogique des enseignants ? Combien faudra-t-il de réunions de concertation pour réussir à atteindre un tel objectif (est-il seulement atteignable ?) ? Qui décidera en cas de désaccord dans les équipes ? C’est une source supplémentaire de tensions, de pressions, de concurrence, de surcharge de travail, ….

Les enseignants seuls face au désarroi ou à la colère des parents…

“[…] programmer des temps de concertation réguliers entre les enseignants de mathématiques d’une part et de français d’autre part, expliciter auprès des élèves et des familles les principes et l’articulation des groupes : par exemple, répartition de l’élève dans tel groupe avec justification de ce choix.” p.29

“Des entretiens avec les élèves et/ou les familles, dans le but de mesurer les évolutions, peuvent également contribuer à établir des bilans”

C’est donc aux enseignants de se réunir tout le temps et d’expliquer les choix et les changements de groupes dans le cadre d’une réforme qu’ils ne veulent pas. Certains exemples (p.15) de ce vade-mecum prévoient 4 périodes où les élèves pourront changer de groupes. Cela va créer ou accroître des tensions inutiles entre les enseignants et les parents qui souhaiteront légitimement éviter à leurs enfants le groupe des faibles ou les voir affectés dans le meilleur groupe possible. C’est la transposition au collège des effets délétères de Parcoursup…

« Inclure les élèves de SEGPA : une organisation possible »

« […] Les groupes de besoins ne se substituent en aucune manière aux dispositifs existants (UPE2A, ULIS, etc.). Une complémentarité doit être recherchée entre les groupes en français et en mathématiques et les dispositifs d’appui. La participation éventuelle des élèves aux groupes se fait selon leurs besoins spécifiques » p.18

Le risque n’est-il pas une école inclusive à marche forcée et la fermeture des structures adaptées et spécialisées ? Dans le groupe fragile, qui risque de regrouper des élèves à besoins particulier, n’y aura-t-il plus qu’une AESH pour l’ensemble des élèves nécessitant une aide au lieu de plusieurs actuellement ?

Pour le SNFOLC, il est clair qu’avec le « choc des savoirs » et ses groupes de besoin, comme avec toutes ses autres « réformes », la méthode du gouvernement est toujours la même : le passage en force.

Dès lors, ce que montre le vade-mecum ministériel, c’est que contrairement à ce que voudraient nous faire croire ceux qui prétendent qu’il suffirait désormais d’intervenir dans les CA pour « faire des groupes qui ne sont pas des groupes de niveau », il n’y a rien à espérer, rien à négocier de l’intérieur. Il n’y a pas d’application de cette réforme qui serait moins dommageable ou plus acceptable pour les personnels et les élèves… Au demeurant, on ne voit pas bien pourquoi un gouvernement qui passe outre les votes CONTRE du Conseil Supérieur de l’Éducation (CSE), reculerait devant les décisions des CA.

Le « choc des savoirs » est bien une réforme de fond qui, en plus d’organiser le tri scolaire et social des élèves, vise à transformer les enseignants, professeurs de Mathématiques et de Français en tête, en simples exécutants des consignes ministérielles. C’est une véritable entreprise de déqualification qui va de pair avec la réforme des concours et de la formation des enseignants qui réduit toujours plus les connaissances disciplinaires et maintient les stagiaires dans la précarité en retardant l’accès à la Fonction publique. C’est encore une façon de détruire à la fois le statut de fonctionnaire et de favoriser le recours à des emplois contractuels, moins protégés et soumis à plus de pressions que les titulaires.

Empêcher la réforme

Retrouvez le communiqué du SNFOLC sur le vade-mecum pour l’afficher dans vos bahuts et en discuter en AG.

N’hésitez pas à nous contacter pour vous aider à organiser une HIS dans votre bahut et pour faire connaître vos motions.